Ile aux Moines

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Abattage sauvage


Cet abattage sauvage pose en fait des problèmes de fond autrement importants. Dans un double mouvement, les maisons de l’île cherchent à la fois à préserver leur intimité par des rideaux végétaux aussi compacts que possible tout en bénéficiant de l’indispensable « vue sur mer ». La situation actuelle est le fruit d’une longue évolution commencé il y a plus de 150 ans. En effet, hormis les espaces abrités du vent et un peu plus humides situés entre le manoir du Guéric et l’est de Kergonan – là précisément où les chênes ont été abattus, il n’y avait presque pas d’arbres sur l’île, tant pour des raisons physiques que pour disposer de terres à cultiver. Le seul véritable bois était celui du manoir, la zone à l’est de Kergonan constituant en fait un bocage classique avec ormes et chênes
On peut ajouter aussi les grands frênes plantés près de l’église. Un examen attentif de l’ancien cadastre permettrait d’affiner la cartographie de ces talus boisés qui pouvait constituer de petits ilots en d’autres points de l’île. C’est sous le second Empire que sous l’impulsion du propriétaire du Guéric, les premiers éléments d’un paysage à vocation touristique a commencé à se mettre en place avec la constitution des bois de pins dit des « Soupirs », des « Regrets » et des « Amours ». Puis, chaque nouvelle villa construite à partir de la fin du XIXe siècle va lancer son programme de plantation à base de cyprès de Lambert car si les vacanciers découvrent avec bonheur les délices du « panorama », ils souffrent rapidement des impitoyables brises qui balaient les hauteurs. L’usage d’espèces exotiques allié à la disparition des haies d’ormes détruites par la graphiose, conduit insensiblement à la situation actuelle où, en dehors des bénéficiaires du premier rang, chacun a planté de quoi couper la vue à celui qui le surplombe. Ce faisant, c’est aussi la vue que chacun, résident ou pas, peut avoir en empruntant les routes et chemins de l’île qui se trouve irrémédiable bouchée par la formation de ce néo-bocage ne souffrant plus la moindre respiration.
Hormis d’exceptionnelles relations de bon voisinage, l’île s’est cloisonnée de telle sorte qu’elle a perdu une grande partie d’un aspect essentiel de son insularité. Sans revenir aux murets de pierres et à l’aridité ancienne, ne serait-il pas temps qu’une véritable réflexion s’instaure pour substituer progressivement les feuillus autochtones aux résineux introduits, les cônes de vision aux murs de l’Atlantique, les prairies fleuries aux pelouses… Une révolution ? Oui, mais une révolution lente car un paysage ne se bâti pas en quelques mois comme une maison.
François de Beaulieu (plus d’éléments et des photographies sur http://blogauteur.typepad.fr/francoisdebeaulieu/).


Cet article a été écrit par François de Beaulieu {francois.de-beaulieu@wanadoo.fr} le 06/04/2009