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Adieu Vinet
Certes, on n'y allait plus depuis longtemps... La longue baraque jaune datant de la guerre 14 se recouvrait lentement de lierre, s'entourait de ronces... On l'apercevait en passant, les nostalgies se manifestaient... Vestige au bois dormant, il nous faisait rêver d'un Prince qui un jour peut-être, viendrait le réveiller, lui redonner sa Vie d'antan... Et quelle Vie !
Ecoutons les gens de l'île évoquer les grandes étapes de leur existence :
Jusqu'en 1972., l'Hôtel du Golfe créé et tenu par Léon Vinet et sa famille, était une institution INCONTOURNABLE !...
Pas de mariage, pas de baptême, pas de communion qui ne passât par Léon Vinet..
Pas de sortie de grand messe dominicale sans qu'on se hâte, " afin d'avoir du choix ", d'aller prendre sa place devant sa très profane table couverte de plantureux et sublimes éclairs au chocolat, de succulentes tartelettes au raisin et autres fruits, de babas gorgés de rhum, de religieuses incitant au péché, de " Croûtes à thé ", que dans notre tête, nous écrivions " kroutaté " (le K fait plus breton, c'est bien connu) dont on surveillait sourcilleusement la découpe de la tranche... Nous y avons découvert, après la guerre, le Paris - Brest, découverte sans retour...
Et les homards flambés, et les lottes au poivre vert des repas de gala...
Et les thés dansants des dimanches après midi pâlots dont la Bretagne a (parfois) le secret... Certes, Mme Vinet nous recommandait de ne pas trop sauter en dansant le rock... D'ailleurs, le tourne-disques préférait nettement les slows.. Que de flirts, que d'idylles, ô Vinet ! tu abritas ! Comme nous savions, photos à l'appui, que nos parents avaient hanté ces lieux avant nous, nous nous sentions quasiment investis d'une mission : notre devoir était de perpétuer la mémoire... Nous l'accomplissions donc. Pour notre plus grand bonheur.
Lorsqu'on déclara, au début des années 70, que l'on devrait fermer, pour cause d'insécurité, la porte du palais des délices, je ne crois pas me tromper en disant que ce fut la consternation générale..
Qu'allions nous devenir ?...
Nous survécûmes.
Tristement, d'abord, mais on s'adapta...
Et voilà qu'on nous annonce l' inéluctable destruction du témoin de notre passé. .
A peine le temps de s'y préparer.
C'est imminent... C'est pour l'été....
Un bel espace, chargé de souvenirs, sera frappé de vacuité. Alors, dans cet espace ?...
Eh bien, quand l'âge en aura décidé pour nous, nous n'irons pas en " foyer-logement ", ni en " maison de retraite ". Non.
Nous irons CHEZ LEON VINET !...
Vinet est mort, vive Vinet !..
Cet article a été écrit par Jeannette Michel {j0205@club-internet.fr} le 16/06/2003