GEOMORPHOLOGIE DU GOLFE DU
MORBIHAN ET PREHISTOIRE
Que la
morphologie du Golfe du Morbihan ait changée au cours des derniers millénaires,
nul n'en doute. Cependant, les avis sont partagés sur sa physionomie à l'aube
de notre ère: La célèbre bataille des Vénètes, que relate César dans le De bello gallico[c1], c'est-elle déroulée dans le golfe?
Examinons
le trait de côte du golfe au fil des ages, ainsi que les différents facteurs
géomorphologiques, qui ont présidé à sa lente transformation.
Au
maximum de la dernière glaciation, il y a plus de 20000 ans, à la période Solutréenne[c2], le golfe du Morbihan n'existait
pas. Les eaux retenues dans les gigantesques glaciers polaires (Celui de
l'arctique descendait jusqu'a la latitude de Londres) avaient provoqué une
baisse du niveau océanique de l'ordre de
A cette
époque, les rivières de Vannes, d'Auray et de Noyalo,
devaient se rejoindre quelque part dans le sud de ce qui deviendra le golfe du
Morbihan, avant de se jeter dans l’océan, à une centaine de kilomètre au sud
ouest.
Dès le magdalénien[c3], une lente et irrégulière remonté
des océans s’amorce. Après un dernier assaut du froid, lors du Dryas III[c4], la glaciation de Wurm se termine ;
elle entraîne la disparition de la méga faune glacière et celle de la
civilisation des chasseurs cueilleurs de l'épipaléolithique[c5].
Commence
alors une époque mal connue, le mésolithique[c6], ou d'immenses étendues de forêts
denses conquièrent les terres autrefois recouvertes par la steppe
et la toundra.
Au
mésolithique, le Golfe du Morbihan n'existait toujours pas. La remontée
du niveau des océans n'était pas encore suffisante pour noyer le
delta des rivières de Vannes, Noyalo et Auray. Nous
en avons pour preuve la présence avérée de l'habitat mésolithique sur l'îlot-récif de Téviec. A
cette époque, la côte devait se trouver au niveau des îles de Houat et
d'Hoëdic.
A la période suivante, le néolithique, la tourbière fossile, au large de la pointe de Kerpenhir
(qui a servi à l'établissement de la séquence pollinique du néolithique local,
indicateur de l'anthropisation du milieu et qui n'était donc pas
submergée), nous apporte des témoignages sur le biotope des premiers
constructeurs de mégalithes. On y lit les traces des premières déforestations,
des premières pâtures, et des premières cultures sur brûlis.
A cette
époque, le niveau des plus hautes mers devait atteindre celui des plus basses
mers actuelles, le
golfe était alors une zone marécageuse
ou devait commencer à s'individualiser l’ensemble "Ile aux Moines\
Ile d'Arz", longé à l'est par la rivière de Noyalo et à l'ouest par la rivière de Vannes. Elles opéraient
leur jonction près de la "colline de Creizic",
non encore insularisée ).
La remonté des eaux se poursuivit, submergeant en partie certain
mégalithes (cromlech d'Er Lannic), jusqu'au
alentour de 3000 BP ou le niveau actuel se trouva atteint, à quelques
décimètres près (On remarque cependant, quelques oscillations locales du
niveau, jusqu'à la période contemporaine).
Ce n'est
pas pour cela que, dès cette époque, le golfe avait son visage actuel.
On connaît relativement bien la vitesse de remontée du niveau des océans ):Ce phénomène considéré isolement n'est
pas suffisant, pour avoir transformé notablement le profil de côte depuis le
début de la période historique :
Il est difficile de quantifier l'érosion des terrains provoquée par
les éléments marins (décapage de la couche sédimentaire, et loessique,
nécessairement importante en zone de delta fluvial, creusement des fonds et
érosion des parois par les courants de pente, recul du littoral sous l'effet
des marées, des tempêtes, des vents).
La dynamique du transfert d'alluvions
est aussi difficilement modélisable (voir les moyens énormes mis en
oeuvre pour aboutir à la compréhension de l'hydrodynamique de la baie du
mont Saint Michel) .Les récentes évolutions des sondes hydrographiques du
golfe notamment à l'est de la pointe du Trec'h, siège
d'une importante sédimentation, ainsi que recul actuel de la côte iloise au niveau de l'anse du Vran
et du bois de Castel Er Guivre en sont une preuve.
Une élévation de quelques centimètres du niveau moyen des mers, n'a qu'un
faible impact sur les côtes a fortes déclivités, celle ci peu par contre
radicalement transformer les côtes alluviales, de faibles profondeurs,
nombreuses dans le golfe.
Il n'est pas question de faire ici un exposé
d'hydrographie, mais l'on peu cependant dire qu'une faible variation des
profils de côte de petite profondeur, induit une modification du spectre
de la marée, celle-ci change l'amplitude du marnage, qui, à son
tour transforme la géométrie du bassin, donc... le spectre de marée s'en
retrouve modifié ...etc.
On est en présence de phénomènes cumulatifs à rétroactions positives
difficilement quantifiables, d'autant plus que la modification de la
bathymétrie, entraîne un changement de la direction des courants et de la
dissipation de l'énergie des vagues, facteurs eux aussi de
transformations géomorphologiques.
Sur les côtes fonctionnant en mode non
battus (baie du Vran), un léger accroissement
du niveau moyen entraîne une amplification de la sédimentation. Dans le
cas ou celle-ci ne garde pas constante la valeur bathymétrique initiale, le
transfert d'énergie cinétique au substrat sédimentaire sous jacent, ne se fera
plus et donc, amplifiera l'érosion côtière.
Il n'est donc pas possible de se faire une idée de la morphologie passée du
golfe par simple translation verticale des courbes bathymétriques:
L'augmentation centimétrique du niveau moyen ne faisant ici qu'initier un
phénomène autoentretenu de mutation géomorphologique.
Une approche encore plus précise de la problématique, devrait prendre en
compte, sur une grande période, l'évolution du tapis halophile[c7] (salicornia
herbacea, Puccinellia maritima...), facteur de stabilité des fonds faiblement
submergés, ainsi que celui de l'équilibre gravitaire des nappes
phréatiques, qui intervient dans le modelage des cotes marécageuses. On le
voit, le problème est complexe.
Nous pouvons penser qu'à l'époque de la Tène[c8], les côtes rocheuses à fortes
ou moyennes déclivités avaient sensiblement le même profil qu'aujourd'hui. Les
côtes de faibles hypsométries ont du reculer lorsqu’elles étaient situées à
proximité d'une zone de brassage. Pour les autres, on ne peut en dire grand
chose, la sensibilité aux conditions initiales et aux micros variations étant
trop grande pour autoriser une "rétro-diction"
fiable. Seules des découvertes d'artefacts datables (voir infra: fours a
augets) peuvent nous permettre de préciser localement tel ou tel profils
A l'aube de notre ère, les avis des (pré)historiens sont partagés:
Les uns considèrent que, le golfe n'existait pas encore, les autres pensent que
sa morphologie était proche de l'actuelle. Le point de vue des premiers est
contredit par la découverte récente de fours à augets
[c9]sur Illur
d’époque Laténienne (Yves Coppens, avait
d'ailleurs signalé la présence d’augets sur l'Ile aux Moines au début des
années soixante).
Le point de vue des seconds se trouve tempéré par le fait que beaucoup de ces
fours à augets sont localisés sur l'actuelle zone d'estran[c10]. On imagine mal une exploitation paludière
dépendre du flux et du reflux, les foyers de chauffe étant deux fois par jour
recouverts par les eaux........
APPLICATION A LA COTE
OUEST DE L'ILE AUX MOINES
Le lieu-dit "les Trois
Fontaines", près de la pointe du Greignon
domine une petite plage qui continue en pente douce jusqu'à une fosse
située à cent cinquante mètres au sud ouest. Au pied de la falaise, près de la
zone d'estran des restes d'augets témoignent d'une activité
paludière [c11]passée et non datée. Nous avons
plongé dans cette fosse, la paroi abrupte, presque verticale forme un tombant
qui se termine à une profondeur de vingt mètres mesurée à l'étale de pleine mer
de petit coefficient. Cette paroi est sur toute sa hauteur soumise aux
courants de flots ou de jusants. Elle formait probablement il y a plus
de deux mille ans la ligne côtière de l'île. On peut y voir la limite du
lit majeur de l'ancienne rivière de Vannes.
Hervé Créquer, Juin 2002
références bibliographiques :
Fernand Verger, Professeur à L'Ecole
Normale Supérieure: Marais et Wadden 1988
André Rivière: Méthode granulométrique, Dunod .
Jean-Pierre Pinot : Le précontinent Breton,
thèse d'état 1974, Lannion imprimeur.
Jean Pierre Pinot in Claude Gaudillat
"Cartes anciennes de la Bretagne", Coop Breiz.
Note sur la bataille
des vénetes
La
contreverse pour savoir si la bataille des Vénètes a eue lieu dans le golfe,
dans la baie de Quiberon, ou plus au sud, vers Bourgneuf
, l’estuaire de la Vilaine , ou l’ile Dumet ne date pas d’hier. Cependant, une découverte récente
permet peut être d’éclairer ce problème :
Quitus Titurius Sabinus
était un légat de César qui a été impliqué dans les combats menés contre les Unelles et leur chef Viridorix en
56 Av JC dans l’actuelle Normandie. Le livre III chapitre XVII du « de bello gallico » indique
qu’il rejoignit César durant la bataille des Vénetes……..
Or, il a
été découvert a proximité du petit mont, un autel en grès dédié a……Quintus Sabinus par son fils. « S'il ne s'agit pas d'une simple
coïncidence, cela pourrait contribuer à expliquer une sacralisation du site
dominant l'un des théâtres présumés de la confrontation. » J. Lecornec,
archéologue, chargé des fouilles au petit mont.
On peut
donc supposé que c’est depuis le petit mont que les romains avec César, ont
observés le déroulement de la bataille
navale. La vision sur l’intérieur du golfe étant à cet endroit
limité aux vasières, il est possible que
la bataille se soit déroulée ente le grand mont et la rivière de la Trinité sur
Mer
Autel en grès dédié à Quintus Sabinus par son fils (Cliché V. Feruglio)
DIAGRAMME POLLENIQUE DE LA TOURBIERE
FOSSILE DE KERPENHIR (LOCMARIAQUER)
Document 1 : En rouge sont représenté les premiers pollens de
céréales. On voit qu’un néolithique précoce (probablement d’influence
Cardial) c’est développé dans nos
régions au milieu du VI ieme millénaire.
Copyright
V. Feruglio D’après J. L’Helgouach
EVOLUTION DU NIVEAU MOYEN DE LA MER
SUR NOS COTES
ET EVOLUTION DES TEMPERATURES
MOYENNES
]
Température
moyenne : On voit que le néolithique fut une période plus chaude
qu’aujourd’hui. L’inquiétude sur le réchauffement climatique, ne vient pas des valeurs
absolues de celles-ci, mais de la vitesse de remontée des températures et de
la rapidité de fonte des glaces polaires. Copyright V. Feruglio
CARTE DU GOLFE
DU MORBIHAN AU DEBUT DU NEOLITHIQUE
Copyright
H. Créquer & Crephi.
[c1] Ouvrage écrit par Jules César probablement a Bibracte, capitale de la tribu
gauloise des Eduens durant l’hiver 52-51
AV JC . Cet ouvrage terminé par son lieutenant Hirtius est notre principale source d’information sur les
Gaulois de l’époque de la Tène.
[c2]Le Solutréen est l’avant dernière période du
paléolithique supérieur, de -20000 à
-15000. Le fossile directeur de
cette période est la « feuille de laurier » ,
lame de silex retouchée sur les 2 faces de façon couvrante. Au niveau de l’art,
apparaît la sculpture en bas relief. Cette période a connue les froids les plus
intenses de la dernière glaciation.
[c3]Le magdalénien est la dernière période du
paléolithique supérieur, entre -15000 et
-10000 BP. C’est a cette civilisation que l’on doit les grottes de Lascaux et
d’Altimara. Le Magdalénien prit fin avec l’Allerod, période de réchauffement important du post glaciaire.
[c4]nom des périodes froides
du
Ta rd i g l a c i a i re.
Selon les auteurs,
on
reconnaît deux périodes
f
roides, le Dryas ancien et le Dry a s
récent, ou trois : le Dryas I (de
1 4 000 BP à 12 500 BP), le Dryas II
très court (de 12 000 à 11 800 BP)
et
le Dryas III (de 10 800 à 10000
BP). Ces trois épisodes sont séparés par deux épisodes plus cléments :
le Bölling puis l’Alleröd.
[c5]Période finale
du Paléolithique supérieur qui fait
transition avec le Mésolithique.
C’est une période de
lent réchauffement coupé d’épisodes fro i d s
qui voit les flores et les faunes glac i a i res concurrencées peu à peu
par des espèces plus tempérées.
Une diminution de
dimension
d’une partie de l’outillage en silex
annonce la microlithisation des
outils mésolithiques.
[c6]période intermédiaire entre le Paléolithique et le
Néolithique qui se
déroule après la fin de la glaciation
et qui s’étend du 9e millénaire au milieu du 6e
Elle est
caractérisée par l’essor de la pêche et de la
cueillette à côté de la chasse et par la miniaturisation des
outils
lithiques : la microlithisation.
[c7]Littéralement, qui aime le sel. Plante vivant dans un
milieu ou la concentration en chlorure de sodium est élevée.
[c8]Période de l’histoire des celtes, encore nommée 2ieme age du fer qui s’étend de 355 AV JC a
peu après la conquête de la Gaule par César. Cette époque vit la disparition
des grandes principautés caractéristiques de l’époque précédente (Hallstatt) et
le développement des Oppida (sites fortifiés).
[c9]Les fours a augets sont destinés a la production
artisanale de sel. On remplissait d’au de mer les augets (petits récipients en
terre) que l’on plaçait sur un foyer jusqu'à l’évaporation de l’eau. Ente le Port Miquel et le Gueric
on peut voir facilement de nombreux reste d’augets.
[c10]Zone alternativement recouverte et découverte par la marée.
[c11]Activité liée a la production de sel marin.